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Doux Joaillier Courchevel 20 ans déjà

En maître des horloges, celui qui donne le tempo à la direction du groupe familial nous rappelle qu’il faut savoir partir à temps, cultiver ses amitiés, entretenir une passion et qu’avoir de la chance fait aussi partie du talent.

 

Richard Doux
 

 

Comment est née l’idée de monter dans les Alpes, et plus particulièrement à Courchevel, pour ouvrir une boutique il y a 20 ans ? Opportunité ou intention mûrement réfléchie ?

 

Dans les années 1990, je montais chaque année skier à Courchevel et ce sont Alain-Dominique Perrin et Benoît Valette, qui étaient alors respectivement Vice-Président et Directeur Général Adjoint du groupe Richemont (propriétaire de Cartier, Van Cleef & Arpels, Piaget, Montblanc, Panerai, IWC et bien d’autres…), qui m’ont convaincu de la nécessité d’investir à Courchevel :« C’est indispensable, si tu trouves le bon emplacement, nous te suivons avec toutes les marques du groupe », m’ont-ils dit. C’était chose faite au printemps 2000 avec la création de notre première boutique dans la rue où nous sommes encore aujourd’hui, rue du Rocher. Adresse idéale pour une boutique de luxe. Nous étions parmi les premiers implantés, les grandes enseignes en mono-marque sont arrivées après et ont fait grimper les enchères. Un an plus tard, je n’aurais pas eu les moyens de m’installer. C’était le bon timing !

 

Était-ce la première expérience en dehors du fief familial ?

 

Oui. Avant les années 2000, je n’étais pas encore à la tête de l’entreprise familiale de détail historiquement implantée à Avignon et Nîmes. Avec un associé et ami, nous concevions et fabriquions alors des collections de bijoux et je passais une partie de mon temps sur les routes pour trouver des distributeurs clients… La direction des boutiques transmise par mon père Henri m’a donné l’opportunité de ces développements. L’installation à Saint-Tropez est venue après Courchevel, c’était une suite logique.

 

Y a-t-il eu des moments compliqués avant le premier jour d’ouverture ?

 

Rien d’insurmontable. Bien sûr, il a fallu s’accommoder des contraintes de la montagne et on a dû réaliser les travaux en six mois, mais c’était une aventure exaltante.

 

Vous souvenez-vous de la première saison ?

 

Le succès a été au rendez-vous dès la première année. Il faut dire que nous avons été bien épaulés par les marques joaillières et horlogères qui connaissaient parfaitement les attentes de la clientèle qu’elles servaient déjà à Cannes, Monaco et en d’autres capitales du luxe de par le monde.


La clientèle a-t-elle changé en 20 ans ?


Notre implantation correspond également à l’arrivée de la clientèle russe à Courchevel. Nous n’avons pas vécu l’avant et on peut dire que cette évolution d’une clientèle toujours plus internationale nous a plutôt bien réussi.

 

Les partenaires Joailliers et Horlogers sont-ils toujours les mêmes qu’au premier jour ?

 

Pour partie seulement, il faut que nous évoluions sans pour rester en phase avec l’air du temps et le goût de nos clients que l’on connaît de mieux en mieux. Il y a aussi une part d’aventure qui est enthousiasmante, une part du business plus expérimentale et artistique qui nous amène à travailler avec des officines dont la production reste confidentielle et atypique mais pour lesquelles nous avons un gros coup de cœur, car ça reste un métier de passion. C’était un créneau qui n’existait pas ici et nous nous en sommes fait une spécialité pour offrir de la diversité, de la beauté et de l’exclusivité…

 

On peut imaginer que c’est à Courchevel que vous vendez les pièces les plus chères et les plus originales... Est-ce le cas ?

 

On vend ici des pièces exceptionnelles que l’on ne vendrait nulle part ailleurs et pas même à Saint-Tropez. Chaque vente d’une pièce unique est un événement en soi, bien sûr, mais on se doit d’entourer ces moments d’un certain secret ; ça touche au domaine privé et à l’intime de nos clients, et nos lecteurs le comprendront. On leur doit cette réserve. Pour l’anecdote, nous avions proposé, en partenariat avec une marque horlogère bien connue (Richard Mille), une série limitée de 11 pièces. J’avais, pour mon propre usage, conservé une version double zéro. À force d’insistance et parce que je suis un affectif, un de mes bons clients a réussi à me convaincre du lui céder ma RM11 00. Des années plus tard, j’ai bien tenté de racheter ce modèle en faisant le tour des acquéreurs de l’époque. Sans succès …


Que faut-il pour réussir à Courchevel ? Un conseil à donner ?

 

De l’audace ! Et de la constance dans le travail, car chaque année est une page blanche. De la gestion des personnels aux achats de collections et pièces uniques, on doit remettre en route la machine tous les six mois et affiner la sélection jusqu’à l’ouverture. La fenêtre saisonnière est étroite, il ne faut pas se louper. Aujourd’hui, j’ajouterais des capitaux et un bon sens de l’opportunité. En une décennie, j’ai racheté notre première boutique neuf fois le prix que je l’avais vendue, et je ne le regrette pas !

 

En 20 ans, vous devez avoir lié des amitiés solides. Vous souvenez-vous d’une rencontre qui ait compté ?

 

Je compte ici des amitiés sincères et durables. On prête aux Savoyards, et à raison, un caractère bien trempé, mais ils savent aussi vous faire une place au sein de la communauté. Parmi les rencontres qui comptent, il y a celle avec Monsieur René Collet : il m’a fait confiance une première fois quand il m’a cédé le fond de commerce de ma première petite boutique, et il a fait preuve d’une même constance lorsqu’il m’a donné sa préférence pour l’actuelle adresse. Je n’étais pas le plus argenté et le mieuxdisant possible, il était alors en relation avec des groupes de luxe importants, il était par ailleurs fortement courtisé et malgré tout, il m’a fait profiter d’une opportunité décisive… C’est un Monsieur formidable à qui je dois beaucoup, et je lui en serai éternellement reconnaissant.

 

Si c’était à refaire, y a t-il quelque chose que vous feriez différemment ?

 

Tout pareil, je ne regrette absolument rien. Et puis, ce n’est pas dans ma nature de regarder trop en arrière.

 

Justement, vous les voyez comment les 20 prochaines années pour Doux Joaillier ?

 

J’ai la chance d’avoir une relève qui m’inspire énormément. On se réunit régulièrement avec Arthur et Samuel (Ndlr: respectivement fils et directeur général de Doux Joaillier) pour partager des idées, penser nos développements futurs. Avec la génération montante, j’aurais pu penser prendre un peu de recul, mais ce n’est pas le cas – on ne le prend pas à la cool, c’est finalement très stimulant. Courchevel garde pour vous toujours les mêmes attraits... Absolument, même si j’ai aujourd’hui plutôt tendance à ouvrir ses pistes de ski que fermer ses pistes de danse. Il y a 20 ans, je faisais parfois les deux !

 

 

 

 

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