Il y a un escalier que nul ne voit depuis l’espace d’accueil de la boutique. Pourtant, les piè̀ces de la maison Doux, elles, le prennent régulièrement : il mène au service après-vente de la maison. Lequel, en réalité, est un véritable atelier de confection, dessin, réparation, opéré par des talents passionnés.
CONFESSIONS SUR L’ÉTABLI
« Je fais le plus beau métier du monde », sourit Grégory, responsable du service horloger. « Je n’ai jamais eu le sentiment de venir travailler, mais ne le dîtes pas trop à Richard, il pourrait comprendre qu’on se la coule douce ! ».
Parole d’un jeune premier ? Bien au contraire : Grégory est horloger depuis vingt ans. Si le ton est léger, le sourire franc, il n’est nul besoin d’aller plus loin que son établi pour se rendre compte de la quantité de travail qui est quotidiennement la sienne. Plusieurs dizaines de pièces passent entre ses mains chaque semaine. Ses préférées ? « Toutes ! », s’exclame-t-il. « Impossible de choisir. Pour moi, ce ne sont pas que des objets. Chaque montre a sa personnalité, son caractère. Même les pièces d’un abord difficile, on prend plaisir à les terminer ».
De la vintage inconnue aux derniers cris de la haute horlogerie, Grégory sait tout faire, ou presque. Cette seule réserve concerne les pièces qui retournent en manufactures pour être traitées directement par la marque. Pourtant, quelques objets horlogers non identifiés atterrissent parfois sur son établi, et pas des moindres. Cet automne, l’horloger s’est attaqué à une répétition minute, une montre de poche du siècle dernier. Il l’a traitée avec le même soin et la même patience que n’importe quelle pièce, à une différence près : « si un composant est abimé, mal replacé, c’est fini, irrécupérable pour un garde-temps de cet âge dont les composants ne sont plus faits depuis des lustres ».
POLYVALENCE OBLIGATOIRE
Quelques mètres plus loin, les ateliers de joaillerie travaillent avec le même soin. La simple remise à taille d’une bague exige un rare talent : l’anneau en est incisé, une fraction de son diamètre est ôtée, et l’anneau est refermé avant d’être poli. Comme en horlogerie, la joaillerie se fixe pour premier devoir de remettre en parfait état chaque pièce qui lui est confiée. En conséquence, les quatre artisans dédiés (deux pour chaque corps de métier) sont tous polyvalents, capables de remplacer un cadran, sertir une pierre, polir une boîte, ajuster un maillon.
UN ATELIER DE DESSIN INTÉGRÉ
Il est toutefois un métier dont la joaillerie se garde la primauté : le dessin et le prototypage. « C’est notre métier premier », rappelle Benjamin, qui en supervise les travaux. Alors qu’il frappe une création du poinçon de maître de la maison, l’homme indique d’un geste un petit morceau de cire. « C’est ça, un prototype », sourit-il, « un moulage de cire réalisé à l’échelle. Nous dessinons le projet de chaque client puis nous en réalisons ce moulage. La matière, tendre, nous permet d’y insérer les véritables pierres qui y prendront place. Certes, il faut avoir un peu d’imagination pour y voir du platine ou de l’or blanc, mais le résultat est édifiant ». Comme ailleurs, l’imagination est pourtant en train de céder le pas à la 3D. La maison Doux s’est depuis quelques temps équipée d’une solution de création numérique. Le client ne peut plus sentir sa future création, la passer au doigt, mais il enverra directement le rendu final, en 3D, avec ses volumes, ses reflets, ses couleurs.
RÉVISER POUR ÉCONOMISER
Bien souvent, ces opérations ont une histoire. En horlogerie, Grégory concède que bien des clients de la maison n’ont pas encore le réflexe de venir faire réviser leur garde-temps à échéance régulière. « La démarche est pourtant tout à leur intérêt, pour la simple raison qu’une révision, même tous les quatre à cinq ans, coûtera toujours moins cher qu’une réparation ».
Moins cher : le mot est lâché. Le budget d’entretien d’un garde-temps mécanique est souvent perçu comme prohibitif, alors que celui d’une voiture, imposé aux mêmes échéances et au même prix, passe comme tout à fait acceptable.
LE SERVICE... APRÈS LA VENTE
La maison Doux reste vigilante face à toute augmentation des prix de révision. « Dans Service Après-Vente, il n’y a que le Service qui compte », glisse Richard Doux, dont le bureau est mitoyen des ateliers. « Nous devons avant tout rendre un service à nos clients pour une simple raison : notre fond de commerce, ce ne sont pas les montres et bijoux que nous vendons, mais les clients qui viennent se les offrir depuis 50 ans. Il ne faut pas se tromper de priorité ». L'affirmation fleure bon le marketing de posture, mais de telles enseignes familiales attachées au service, il n’en reste plus beaucoup. Et ce n’est pas la famille Doux qui le dit, mais le marché qui l’impose : en dix ans, le nombre de points de réparation agréés a été divisé par deux, voire par trois, à l’échelon national. Les manufactures et joailliers rationalisent et centralisent, avec pour conséquence immédiate de ne conserver dans leur réseau que les maisons les plus compétentes. Un agrément n’est donc pas un blanc-seing signé à vie mais un contrat renouvelé régulièrement. Et la maison Doux n’en a jamais perdu un seul.