La montre de voyage a quelque chose de paradoxal. Elle doit être synonyme de nouvelles aventures lointaines, d’un oubli total du quotidien... tout en rappelant à tout moment l’heure qu’il est à la maison ou au bureau ! Autre paradoxe : les grands voyageurs veulent toujours avoir l’heure exacte dans le monde entier... tout en gardant un cadran le plus simple et lisible. Sans même parler des réglages de fuseaux qui, de préférence, doivent se faire le plus intuitivement mais avec un ou deux poussoirs !
Voilà de beaux défis pour les horlogers. C’est un cahier des charges complexe à exprimer dans un espace contraint : un cadran de trois centimètre carrés, une couronne et, tout au plus, un ou deux poussoirs. Avec cette base technique, il faut indiquer le temps à destination (local time), à la maison (home time), si possible un indicateur jour / nuit, un troisième fuseau voire les 24 fuseaux du monde. Pas simple.
BYE BYE GMT
Pour rÉpondre à cette demande, plusieurs produits horlogers ont été inventés au fil des siècles. Le plus simple est le GMT. Il est encore très en vogue alors que, officiellement, notre bon vieux Greenwich Mean Time n’existe plus. Il a été remplacé par l’UTC, l’Universal Time Coordinated. Les deux termes recouvrent la même réalité mais le GMT, qui s’était imposé sous la puissance de la marine britannique au XVIIIe siècle, est considéré comme ambigu et donc officiellement hors service.
Ce changement officiel a été fait il y a plus de 45 ans (1972). Pourtant, en horlogerie, les habitudes sont tenaces. On voit encore fréquemment l’appellation GMT alors que, à l’heure actuelle, ce second fuseau horaire n’est que rarement celui de Greenwich. Ce méridien de référence pour la navigation d’autrefois n’a plus de réelle utilité contemporaine. On appelle donc presque par abus de langage une montre « GMT » celle qui possède une seconde aiguille centrale indiquant une autre heure du monde, réglée librement et manuellement – qu’il s’agisse du méridien de Greenwich ou de tout autre dans le monde.
MONTRE GMT : UN DÉFI HORLOGER À RÉGLER DANS TROIS CENTIMÈTRES CARRÉS.
MYTHIQUES GMT
Les pièces les plus simples sont celles dont l’aiguille centrale est étalonnée sur 24h. Ainsi, à la lecture de ce second fuseau, on sait immédiatement s’il est 6h ou 18h. Dans les autres cas, ceux d’une aiguille sur simplement 12h, il ne sera pas possible de savoir si, à son domicile, il sera 6h du matin ou 18h. Dans ce cas précis, une montre GMT efficace devra donc se compléter d’un indicateur jour / nuit pour être parfaitement efficace.
L’icône de ce type de GMT est la Rolex GMT-Master II. Sa lunette, la fameuse « Pepsi » ainsi nommée en raison de ses couleurs, est graduée sur 24h, en rouge et bleu. On trouve un système similaire sur la Breitling Chronoliner ou l’IWC Timezoner Chronographe, toutes deux des montres d’aviations prisées des pilotes justement pour leur second fuseau et leur excellente lisibilité. Richard Mille, dans son style toujours aussi extrême, a dévoilé avec la RM 11-02 un chronographe avec second fuseau réglé par un poussoir dédié à 9h. Moins extrême mais tout aussi squelettée, Hublot a développé au sein de sa collection Big Bang la Unico GMT – Unico étant le nom du principal calibre manufacture Hublot, GMT un module spécialement conçu pour la marque.
À LA CONQUÊTE DU TEMPS MONDIAL
Avec l’invention puis la généralisation des fuseaux horaires à la fin du XIXe siècle, les horlogers ont eu plus de fil à retordre. Il ne s’agissait plus d’un temps local et d’un temps GMT mais de 24 fuseaux décalés couvrant la totalité du globe. Sans même compter les pays qui, par souci d’équité ou revendication géopolitique, se sont attribués des demi voire des quarts de fuseau (+/- 30 minutes, +/- 15 minutes). C’est le cas du Venezuela, lequel a décidé en 2007 de passer d’un fuseau horaire plein à un demi-fuseau horaire (GMT – 4h30).
Les garde-temps capables de reproduire ces variations sont l’apanage de grandes maisons, certaines étant 100% manufacture. Pourtant, l’exercice n’est pas que mécanique, il est même essentiellement esthétique. Reproduire 24 fuseaux associés à leur ville de référence sur 3 centimètres carrés est une gageure.
Deux options se détachent clairement : l’indication des fuseaux ou celle de l’hémisphère (nord ou sud, selon modèles). Pour ce qui est des fuseaux, afin de préserver la lisibilité du cadran, ils sont souvent déportés sur la lunette ou le rehaut de montre. Pour les hémisphères, au contraire, ils occupent souvent la totalité du cadran, les horlogers jouant de leur esthétisme pour valoriser leurs compétences artistiques. Ils sont parfois peints, gravés, en émail, etc. L’une des récentes incarnations de cette approche est la Montblanc Heritage Spirit Orbis Terrarum, laquelle vient d’ailleurs d’être rééditée en série limitée dédiée à l’UNICEF.
UNE MONTRE, DEUX CADRANS
Pour indiquer un second fuseau, reste une dernière possibilité : avoir deux montres... en une. C’est l’option choisie par certaines marques qui, le plus souvent à 6h, affichent un second cadran complet, autonome, avec ses propres heures et minutes. C’est le cas de la TAG Heuer Carrera Calibre 8 GMT. La pièce affiche ainsi une exceptionnelle lisibilité et un réglage simple et intuitif à réaliser soi-même une fois à destination - un outil intemporel pour voyageur occasionnel à titre privé ou professionnel.
On trouve une approche similaire chez Parmigiani Fleurier, manufacture 100% indépendante de haute horlogerie. Au sein de sa collection phare, la Tonda, le modèle Hémisphères possède un mouvement maison qui, lui aussi, permet d’afficher deux cadrans complets de manière indépendante. Toutefois, la Tonda Hémisphères de Parmigiani Fleurier recèle une particularité : ses deux cadrans ont chacun leur indicateur jour / nuit. De la sorte, selon la convenance personnelle de chacun, il sera possible d’afficher l’heure locale par les aiguilles centrales et l’heure domestique par le cadran à midi, ou l’inverse. La date, affichée par un guichet à 9h, s’ajustera automatiquement en fonction des aiguilles centrales. On note également que le mouvement manufacture garantit un minimum de 50 heures de réserve de marche, ce qui permet à la pièce de passer un week-end seule, au repos, le temps d’une escapade lointaine, et de la retrouver parfaitement à l’heure le lundi matin...